Nourrie de la leçon de Cézanne bien avant d’en occuper l’atelier, Marianne Bourges a produit une œuvre riche et abondante qu’il serait vain de vouloir diviser en périodes. Certes, l’utilisation de nouveaux supports, l’intégration de nouveaux outils, l’expérimentation de nouveaux formats la feront aboutir à de séries d’œuvres identifiables, mais l’obstination dans le travail de décomposition, la recherche forcenée de l’invariant, l’intimité acquise avec le sujet pour en extraire la vérité profonde restent toujours les mêmes. D’ailleurs, il est facile de retrouver datés de la même année des portraits merveilleusement fouillés, des lâchés d’encre sur papier sulfurisé ou des dessins au crayon infinitésimaux. Tout ça dans un même élan pour tenter d’identifier le réel à sa manière. Pendant les 30 ans où elle fut conservatrice de l’atelier de Cézanne et absorbée dans son désir de faire partager le Maître à un public très demandeur, elle sut quand même trouver les moments de solitude nécessaire à cette « ascèse » de l’observation. Ces sujets d’intérêt furent variés allant d’un bouquet de fleurs séchées devenu immense par les apports successifs au cours des années, parfois effondré et inlassablement relevé, à un amoncellement de légumes sur le potager de Cézanne, fait de poivrons transformés en morceaux de Sainte-Victoire par un dessèchement créateur, ou d’aubergines amaigries par le temps, coiffées de leurs pédoncules épineux qu’elle appelait ses guerriers Dogons. L’amoncellement chaotique bleu, vert, rose de sacs plastique ramenés du marché sut l’intéresser tout autant que le visage d’un ami mourant sur son lit d’hôpital.

Si le travail de Marianne a été quotidien et sans relâche, c’est qu’il n’a jamais eu pour but la production d’œuvres finies, préconçues à l’avance, destinées à être montrées. Il n’a toujours été qu’étude et dialogue avec le réel, n’ayant pas besoin d’éventuels spectateurs pour trouver sa validation. Ni l’évènement de la monstration, ni l’envahissement de son espace vital n’en ont arrêté le processus. »

Alain Brunet, commissaire de l’exposition.

Extrait du catalogue édité par l’Office du Tourisme d’Aix-en-Provence.