Textes des expositions

Textes autour des expositions:

   καιρός​ –kairos​- ​desseins, 2017    Destinerrance, 2017   Charbons fertiles – Lionel Sabatté, 2016   Vous restez pour dîner ?, 2015   Le dessin et l’objet, 2014   Il y avait une fois, 2014   Le chez soi et l’ailleurs. L’autre côté du rêve, 2013   Résonance -Claude Garanjoud / Curt Asker, 2010-2011

Exposition – « Le chez soi et l’ailleurs. L’autre côté du rêve » 2013

Dans le cadre de l’exposition « Le chez soi et l’ailleurs. L’autre côté du rêve » 16 mai-27 juillet 2013 Artistes invités:  Gilles AILLAUD l Yves BELORGEY l Robert BLANC l Marie BOVO l Leïla BRETT l Hervé COQUERET l Marie DUCATE l Patrick EVERAERT l Valérie JOUVE l Bouchra KHALILI l Wolfgang LAIB l Philippe MAYAUX l Mathieu MERCIER l Guillermo MONCAYO l Martin PARR l Bernard POURRIERE l Claire TABOURET l Jennifer TEE l Tatiana TROUVE  Projet Ulysses, un itinéraire d’art contemporain, réalisé en partenariat avec le Fonds Régional d’Art Contemporain de la région PACA – Commissaire d’exposition Christiane Courbon.   Aborder la figure d’Ulysse par le thème du voyage et de l’itinérance nous est très tôt apparu comme une évidence. ARTEUM musée d’art contemporain, à Châteauneuf-le-Rouge, hébergé au-dessus de l’Hôtel de Ville, au 2ème étage du château reconstruit aux XVIIème et XVIIIème siècles sur les ruines de l’ancien Castrum, se situe à la croisée de chemins : dès la plus haute antiquité, la voie Aurélienne qui reliait Rome à Arles et à l’Espagne traverse ce territoire. Marseille, porte de l’Orient baignée par les eaux de la Méditerranée, passage obligé vers un lointain toujours convoité, en est l’avant-place, dans un des tracés qui conduisent vers le Nord les voyageurs y ayant accosté   Chez soi ailleurs et nostos Ulysse, dans son périple, a connu différents lieux d’accueil, de refuge ou d’enfermement, parcouru des sites inconnus, qui ont contribué à construire l’homme et sa métamorphose. Surgit une identité double: celle du nomade et celle du sédentaire, toutes deux complémentaires. Questionner les problématiques propres à notre époque confère au personnage d’Ulysse une actualité manifeste. L’exposition se partage en deux volets : un dans les murs du musée, l’autre dans le parc du château.   Musée : L’homme, dans un entre-deux permanent, oscille entre désir –ou nécessité- d’évasion et attachement à ses racines. Il est des chez soi plus hostiles que certains ailleurs, il est des ailleurs à la félicité trompeuse. Mais la frontière est toujours ténue entre la fascination d’un ailleurs chimérique et le réel abordé. L’exposition s’invite dans le dédale des salles du musée : peinture, sculpture, installation, cartographie, vidéo, sérigraphie, photographie… Dans une mise en tension entre présence et absence, humour et poésie, mythe et réalité, désir et crainte,  sentiments ambivalents et contradictoires, les œuvres réunies nous confrontent à nos propres questionnements, à notre histoire personnelle, mais aussi à une perception sensible du monde. Qu’est-ce qui nous lie à notre espace géographique, qu’est-ce que qui nous pousse à le remettre en question, de quoi est fait notre attachement à un lieu ? Est-il d’ordre physique, mental, culturel… tout à la fois ? Ce qui est espace vital pour l’un n’est-il pas synonyme d’enfermement pour l’autre ? A contrario, l’enfermement est-il toujours vécu comme une contrainte ? Quelle place occupe la nostalgie dans nos actes ? La quête de soi est au bout du chemin. Dix-neuf artistes  explorent les territoires et leur imaginaire, la réalité contemporaine de l’émigration, les tentatives d’évasion, les espoirs d’autres cieux ou d’autres rivages. Mais aussi l’inévitable retour, l’impérieuse nécessité, au bout du conte, de poser ses bagages.   Parc : En 2012, une première exposition préfigurait celle de 2013 et s’intitulait « Le chez soi et l’ailleurs». Six plasticiens, Joël Belouet, Alain Brunet, Sandro Della Noce, Pascale Mijares, Olivier Nattes et Benoît Rassouw s’interrogeaient : « Peut-on totalement larguer ses amarres pour la fascination d’un ailleurs ? Peut-on se sentir chez soi ailleurs ? » Des créations spécifiques dans le parc ont vécu une année au rythme du temps et se sont approprié l’endroit où elles sont implantées. Entre geste artistique et prise en compte de l’évolution naturelle avec l’environnement, les artistes nous invitent toujours à une déambulation parsemée de pauses. Par les sujets abordés, les pistes de réflexion, leurs installations  entrent particulièrement en résonance avec les œuvres du musée. Contrainte et liberté, itinérance physique ou parcours d’espaces numériques, dualité des sentiments, êtres et nature en osmose, sont au cœur de leurs interrogations.   CABANON VERTICAL : 2013 est l’occasion d’une création spécifique dans le parc qui a été confiée au collectif d’artistes à géométrie variable CABANON VERTICAL.   Les fondateurs en sont Olivier Bedu, architecte DPLG et  Christian Geschvindermann, constructeur scénographe. Tous deux vivent et travaillent à Marseille. Les autres membres du collectif varient en fonction des rencontres et des besoins et la collaboration peut être éphémère ou durer toujours. Pour cette création, à la scénographe Juliette Morel et l’urbaniste Vaea Deplat, partenaires d’autres projets antérieurs ou concomitant, ont été associés le plasticien Arthur Poisson, l’architecte Alexandre Lucas et Camille Lamy, designer d’espace.  Ce sont les zones de vide, les espaces interstitiels délimités par les haies de buis de l’ancien jardin à la Française qui ont intéressé le collectif d’artistes : « Dans un vocabulaire urbanistique, nous dirions que nous sommes ici en présence d’une parcelle non programmée. Pour un aventurier, il s’agirait d’une terre vierge à conquérir, d’un espace mystérieux à découvrir. » Rôdé à l’aménagement du territoire nourri du regard que chacun porte sur les paysages urbains et ruraux, volontairement implanté dans l’espace public, CABANON VERTICAL a conçu cette installation intitulée « Au risque de se perdre » comme un périple initiatique de dimension spectaculaire sur le mode du voyage d’Ulysse, un dispositif “scénique“ fait d’éléments d’architecture dissociés, de dispositifs ponctuels intégrant jeux de détours, illusions, perte de repères, découverte d’ailleurs, de nouveaux points de vue… L’œuvre incite à la divagation physique autant qu’à la contemplation.  Tout est conçu pour qu’au détour des situations qu’ont imaginées les concepteurs, le promeneur, initialement mu par l’attraction de l’inconnu, s’abandonne à la rêverie, submergé par sa propre émotion esthétique, touché par la poésie que dégage l’association cadre naturel-acte créateur. Alors que le cheminement constitue une libre appropriation du lieu, la confrontation aux dispositifs induit un recentrement sur le détail, convoque une sorte de retour sur soi méditatif. Le parcours devient expérience intime et singulière.   Création poétique : Dans cette œuvre où le spectateur pénètre et circule et se perd, le cheminement peut être celui de la paradoxale nostalgie d’un improbable retour. Le poète contemporain Maxime Hortense PASCAL écrit un

Exposition – « Destinerrance » 2017

Dans le cadre de l’exposition Destinerrance, 13 mai – 8 juillet 2017 Avec les œuvres des artistes: Laurent Baude l Jean Bellissen l Pip Culbert l Niki de Saint Phalle l Armelle De Sainte Marie l Joana Hadjithomas et Khalil Joreige l Jenny Holzer l Ahram Lee l Catherine Melin l Guillermo Moncayo l Rabih Mroue l Yazid Oulab l Michel Pincemin l Nicolas Pincemin l Julien Prévieux l Walid Raad l Lina Saneh (Majdalanie) l Maya Schweizer l Zineb Sedira l Jérémie Setton l Pierrick Sorin l Barthélémy Toguo l Yoann Ximenes Commissaires Christiane Courbon et Rindala El Khoury « L’exposition Destinerrance, présentée par le MAC ARTEUM du 13 mai au 8 juillet 2017, prend place dans le thème des Itinérances sur lequel porte cette année sa programmation. Le titre, emprunté à Jacques Derrida, a su embarquer non seulement les commissaires de cette exposition, mais les artistes, critiques, amis ou simples rencontres de passage, dans de multiples itinérances mentales. Nous nous sommes livrées à des associations souvent guidées par la pensée de Derrida ; des télescopages parfois se sont immiscés, nous nous sommes laissé surprendre, résolument réceptives, libres. L’art autorise cette liberté, comme il autorise l’humour et la poésie, souvent salvateurs face aux sujets graves. Nous souhaitons au visiteur de se laisser porter à son tour, de se laisser dériver au fil de ce cheminement et d’en explorer tous les méandres avec curiosité et bonheur. En gravissant les marches qui conduisent à l’exposition, il aura pu découvrir des travaux présentés par des étudiants de l’ESAix au retour d’un workshop Erasmus à Grilo, Lisbonne. Un projet intitulé « Se déplacer, habiter, se nourrir » qui entre dans le thème des Itinérances, dont les œuvres ont été pensées et réalisées dans un processus collectif étudiants-enseignants. Des enseignants, soulignons-le, qui sont également artistes.  Samedi 10 juin, entre 12 h et 14 h, pour le lancement du parcours de clôture du PAC (Printemps de l’Art Contemporain) en Pays d’Aix et son pourtour, ils nous ont proposé une restitution de ce workshop, accompagnée de performances et installations. Pour la première année en effet, le MAC ARTEUM rejoint le réseau Marseille expos, et s’inscrit dans le PAC, parcours artistiques à Marseille, Aix-en-Provence, Châteauneuf-le-Rouge et Istres, du 25 mai au 11 juin 2017. » – Christiane Courbon Le mot Destinerrance est si vaste qu’il a envahi tout notre espace, défait nos intentions et nos présomptions. Avec nos certitudes et errances, – nous avons cherché, assemblé, fait et refait le parcours, le trajet, pris dans les va-et-vient de ce terme qui nous a fait (parfois) tourner en rond. Avec comme point de départ La Carte Postale de Jacques Derrida où « une lettre peut toujours ne pas arriver à destination », nous nous sommes tournées vers des lettres, privées ou publiques, vers leurs auteurs, témoin ou « facteur de la vérité ». Ils nous ont menées, comme une ligne droite, à interroger la trace. Que laissons-nous? Derrière ou devant nous? Que transmettons-nous et à qui? De là s’est imposée la survivance, survivance de la parole comme puissance des mots disséminés, mais aussi «  sur-vivance » de l’objet comme trace de vie. Ces mots nous ont conduites à l’errance de l’écriture, à son support, mais aussi à l’outil qui la forge… à la trace de la création et aux détours qui nous y mènent. Par un chemin qui nous ramène au commencement… où le mot est spectre et l’image, apparition. Et qui, à son tour, nous renvoie à la vie comme lieu de passage, à la destinations finale des objets, des corps et des souvenirs, et en dernier lieu à l’œuvre d’art comme acte de sépulture. -Rindala El Khoury          

Exposition « Charbons fertiles – Lionel Sabatté. » 2016

Dans le cadre de l’exposition « Charbons fertiles – Lionel Sabatté. »   Saison du dessin Paréidolie 2016 Artiste invité : Lionel Sabatté Commissaire d’exposition Christiane Courbon. « Pour la 3ème année consécutive, le mac ARTEUM s’inscrit dans la saison du dessin contemporain initiée par Paréidolie. Depuis 2014, des artistes y questionnent les notions d’espace du dessin et de dessin dans l’espace. Saisi par la porosité qui se dégage entre les paysages environnants et ce lieu d’art situé sous la barre rocheuse du Cengle, dans une bâtisse du XVIIIème siècle, au-dessus de l’hôtel de ville de Châteauneuf le Rouge, au cœur d’un parc d’arbres dont certains sont plus que centenaires, Lionel Sabatté, en 2016, poursuit la réflexion dans un solo-show qu’il intitule : Charbons fertiles. L’artiste, inspiré par les incendies qui ont ravagé la montagne Sainte Victoire et le Montaiguet, s’approprie la matière de bois carbonisés glanés sur ces sites, pour réaliser une série de dessins de sous-bois, de créatures hybrides, dans l’ambiance d’étrangeté qui habite son œuvre, mêlant le végétal et l’animal. Déplacés de leur contexte originel, les bois brûlés prennent forme et sens sur des rapports d’échelle qui soulignent la relation entre le paysage extérieur et le relief proposé par la matière première. Rapport d’autant plus révélé que de petits personnages de peaux mortes et d’ongles en assurent l’ascension. L’artiste instaure un dialogue avec l’environnement proche : l’idée de la renaissance et de la transformation opère toujours dans son travail, dans un rapport à l’histoire de l’art qui renvoie à la tradition des paysages du romantisme allemand, de la peinture Taoïste, qu’il revendique. » -ARTEUM, catalogue Charbons fertiles- Lionel Sabatté, introduction, Christiane Courbon, août 2016. Le dessin, ici et là   Le dessin serait-il à la mode ? D’aucuns l’affirment. En fait, il n’a jamais cessé d’être – évidemment. C’est le regard porté sur lui qui connaît un véritable regain depuis quelques années, d’où le retour d’intérêt dont il est l’objet. Bien d’autres facteurs l’expliquent aussi, qu’ils soient économiques, techniques ou de contenu. La perception et la médiatisation de l’art contemporain, le développement des structures qui lui sont dédiées, la multiplication des actions publiques et privées à son endroit ont grandement contribué à revaloriser toutes les formes de création. Au premier chef, parce qu’il est à la source même de celle-ci, le dessin a retrouvé une place de choix. Longtemps cantonné à l’émergence d’un motif sur une simple feuille de papier, le dessin a conquis au fil du temps de nouveaux espaces et de nouvelles formes en se confrontant à des médiums, des techniques et des protocoles nouveaux. S’il n’a rien perdu de sa nature propre, notamment cette proximité ontologique qu’il entretient avec la pensée – du dessein au dessin -, il convient aujourd’hui de l’appréhender autrement, à l’aune de tous les changements dont il s’est nourri et qui le donnent à voir sous d’autres aspects. Par ce que l’art contemporain en appelle volontiers à l’hybride et au métissage, l’adoption par le dessin des moyens plastiques par lesquels il trouve sa forme propre lui offre les conditions d’un élargissement de son champ d’expression. Aussi le dessin a-t-il conquis de nouveaux espaces, du moins l’espace du dessin interroge-t-il la façon de mettre le dessin en espace et les artistes composent-ils avec le lot de qualités qui le caractérisent. Qu’il s’agisse de le considérer à l’aune du point ou de la surface, du trait ou de la structure, de la trace ou de la tache, du vide ou du plein, conjugué aux possibles infinis des conditions de sa matérialité. Le dessin contemporain est d’une telle richesse plastique qu’il en appelle à toutes sortes de formes paréidoliques tout en maintenant ce fil primordial qui le relie à la pensée pour ce qu’il en est l’expression de la voix haute.   Invité du mac ARTEUM, à Châteauneuf-le-Rouge, Lionel Sabatté bénéficie pour sa part d’une exposition personnelle qui lui permet de développer avantageusement sa réflexion. Au pied de la Montagne Sainte-Victoire, l’institution est située en une région propice au feu de forêt. De ce contexte, l’artiste tire les fils pour réaliser toute une série de pièces fondées sur les résidus calcinés des arbres. La référence au charbon, donc au fusain et par voie de conséquence au dessin, est explicite. A la manière de Sabatté, cela s’entend : c’est-à-dire à l’aune d’une démarche artistique que gouverne le concept de métamorphose. De fait, celui-ci n’a pas son pareil pour exploiter les ressources plastiques de matériaux les plus triviaux qui soient – tels la poussière du métro, des pièces de monnaie, des peaux mortes, de la filasse mêlée à du béton, etc. – et s’en servir à la composition d’œuvres totalement inédites. Il a ainsi donné forme à tout un monde animal lui insufflant un semblant de vie comme il réinvestit ici tout un lot d’arbres calcinés en les greffant de fleurs de coupures d’ongle. Leurs branches dénudées refleurissent tout soudain dessinant dans l’espace un faisceau de lignes vives, pleines d’une promesse printanière. L’appropriation de ce matériau, symbole d’une destruction irréversible, a conduit par ailleurs Sabatté à s’en servir pour réaliser toute une série de dessins aux motifs végétaux et animaliers. Ce faisant, il donne à ce charbon l’occasion d’une nouvelle renaissance et pour tout dire d’une fertilité – comme l’atteste le titre de « Charbons fertiles » qu’il a choisi de donner à son exposition. C’est sa façon de nouer un dialogue avec la nature environnante, d’en célébrer la vitalité fondamentale et l’énergie secrète, en écho à ce que le dessin est toujours à la source d’un revival permanent de la forme. En parfait magicien, Sabatté orchestre encore d’autres tours en transformant ces morceaux de bois en de petites montagnes qu’escaladent de minuscules personnages faits d’ongles et de peaux mortes. La légèreté de leur silhouette le dispute à celle d’un simple dessin au trait tout en référant à toute une iconographie cultivée, prélude à la question de l’être dans son rapport au monde extérieur. Tout l’art de Lionel Sabatté est requis par la dialectique du vivant et de l’artificiel. Ses dessins, ses sculptures, voire ses peintures

Exposition – « Vous restez pour dîner? » 2015

Dans le cadre de l’exposition « Vous restez pour dîner? » 9 mai-18 juillet 2015   Artistes invités: Absynthe & Paprika | Agapanthe : Konné & Mulliez | Dominique Angel | Marielle Chabal | Ymane Fakhir | Louise Germain | Paul-Armand Gette | Cynthia Lemesle & Jean-Philippe Roubaud | Natacha Lesueur | Saverio Lucariello | Jérémie Setton | Laurent Védrine : chronique archéologique d’un banquet de Daniel Spoerri  Commissaire Christiane Courbon Art et nourriture, continuation et transmission.   L’idée de consacrer une année au thème de la nourriture fait sens à Châteauneuf-le-Rouge : en 2015, le village organise son 23ème festival de la Gastronomie provençale, qui accueille chaque année au mois de juillet chefs étoilés, vignerons et producteurs, rassemblant de nombreux amateurs d’art de vivre. La commune devrait prochainement se doter d’une école de cuisine et un projet de jardin potager voir le jour. Autant dire que la nourriture y est un sujet important. Vous restez pour dîner? Avec cette exposition et son titre en forme d’invitation, Arteum entend confirmer sa vocation de diffusion et de soutien à l’art contemporain en lien avec le patrimoine existant, tout en ayant pour objectif de susciter aussi chez un public élargi et divers, un véritable intérêt pour l’art de notre temps. La nourriture, à chaque époque, a pris une part importante dans la pensée et la création artistiques. Dans l’abondance des mets représentés, évocateurs de plaisirs éphémères de cette exposition, plane le message délivré par les étourneaux psychopompes de Cynthia Lemesle et Jean-Philippe Roubaud ou par les Vanités et autres memento mori d’une société de consommation qui connut son plein essor et s’interroge à présent sur ses limites. Nous retrouverons certaines de ces préoccupations  dans la démarche de Saverio Lucariello, de Dominique Angel… Nous en trouverons d’autres : au-delà de l’étalage de saveurs et des questions esthétiques et plastiques qui sont soulevées, émergent celles du vrai et du faux, de l’imitation et de la représentation. C’est tout le propos de Lemesle et Roubaud. Emergent aussi celles de la mémoire culturelle et identitaire, opérant un glissement du souvenir de l’expérience intime vers une dimension universelle, tel celui qu’on décèle dans le travail d’Ymane Fakhir. Étranges hybridations, corps travestis, entre-deux permanents véhiculent l’ambiguïté et l’ironie. On pense, bien sûr, à Natacha Lesueur, mais aussi à Konné & Mulliez, à Paul-Armand Gette, à Marielle Chabal, à Jérémie Setton. L’ambiguïté, d’ailleurs, ne caractérise-t-elle pas les rapports que nous entretenons avec la nourriture et notre façon de nous alimenter? Les artistes d’aujourd’hui n’en finissent pas d’établir des correspondances avec un passé qui nourrit leur création, laquelle à son tour nourrira les œuvres à venir. Dans cette exposition, ils nous entraînent dans le sillage de Zeuxis, maître du trompe l’œil souvent considéré comme l’un des plus grands peintres de l’Antiquité, de Jean-Baptiste Oudry, Albrecht Dürer, Edouard Manet, Paul Cézanne, Piet Mondrian, Tony Cragg, Joachim Mogarra, Niele Toroni, Damien Hirst… L’un des liens évidents entre art et nourriture réside dans la continuation et la transmission. La « nature morte au lapin et au chou » de Louise Germain a été placée, en hommage à cette artiste discrète, au cœur de l’exposition dont elle constitue un pivot entre passé récent et présent, tout autant qu’un lien avec l’histoire locale : née à Gap en 1878, elle mourut à Aix-en-Provence en 1939, après avoir consacré sa vie à la peinture et aurait travaillé dans la proximité de Cézanne. Laurent Védrine signe le documentaire qui constitue un autre des marqueurs-temps de cette exposition. Le film retrace le Déterrement du tableau-piège de Daniel Spoerri, à l’occasion des « premières fouilles archéologiques de l’art contemporain », vingt-sept années après l’ensevelissement sous des mètres cubes de terre de l’ultime tableau-piège de l’artiste, qui eut lieu le 23 avril 1983. A l’évocation de ce déjeuner sous l’herbe, ainsi nommé en référence ironique au tableau Le Déjeuner sur l’herbe de Manet, lui-même inspiré du Concert champêtre de Titien, répondent l’aquarelle de Jérémie Setton, Retraits, et l’installation d’Absynthe & Paprika, Déjeuner sur l’herbe 2.0. Ainsi à la croisée de différents champs de réflexion, les initiatives autour de la nourriture ne manquent pas. Pour exemple, cet autre grand banquet d’adieu organisé le 20 décembre 2012 par les Cahiers européens de l’imaginaire à La Générale, avenue Parmentier à Paris : une centaine de personnes, artistes, sociologue, acteurs culinaires et autres observateurs s’étaient réunies autour de la table avant la fin du monde proclamée pour le 21 décembre. Manger ensemble, un recueil d’articles succulents sur le sujet, fut ensuite publié dans les Cahiers européens de l’imaginaire – CNRS éditions. Durant l’été 2014, Le festin de l’art, une exposition produite par la Ville de Dinard et dont le commissariat fut assuré par Jean-Jacques Aillagon, empruntait un ensemble important d’œuvres à la Collection de François Pinault. Le sujet est vaste, actuel : l’Exposition Universelle de Milan, qui vient d’ouvrir ses portes à l’heure où j’écris, a pour objectif d’entraîner les nombreux acteurs du projet autour du thème crucial, centré sur le visiteur: Nourrir la Planète, Energie pour la Vie. Plus près de nous, le MuCEM présentait d’octobre 2014 à mars 2015 l’exposition FOOD. Produire, manger, consommer, fruit d’un travail entre le musée des civilisations d’Europe et de Méditerranée et l’ONG Art of the world, qui avait déjà été montrée à Genève et Sao Paulo. Jean-Roch Bouiller, Conservateur en chef responsable du secteur Art Contemporain au MuCEM, en fut le commissaire associé. Je le remercie d’avoir accepté de commenter aujourd’hui l’exposition d’ARTEUM et d’avoir porté une attention particulière au travail de chacun des artistes présentés. Très près de nous encore, c’est à Jean-Philippe de Tonnac et Anne Le Cozannet-Renan qu’on doit d’avoir rassemblé, dans un recueil intitulé L’ami intime. Un musée imaginaire du pain, une importante iconographie, peintures et photographies d’artistes, qui dit la relation intime qu’entretient l’homme, depuis nos ancêtres jusqu’à nos jours, avec le pain. A eux aussi, j’adresse mes remerciements de venir faire lien, lors d’une projection-conférence, avec le sujet de notre exposition. Comme en point d’orgue à Blé et Pain, deux des cinq vidéos d’Ymane Fakhir

Exposition – « Le dessin et l’objet » 2014

Dans le cadre de l’exposition « Le dessin et l’objet » 20 septembre au 22 novembre 2014. Artistes invités: Claire Dantzer l Nicolas Daubanes l Corinne de Battista l Tristan Fraipont l Hyejin KIM l Emilie Lasmartres Maxime Chevallier l Pascal Navarro l Félix Pinquier l Aurore Salomon L’exposition s’inscrit dans la saison de Paréidolie, premier Salon international du dessin contemporain à Marseille, placé sous le parrainage de Bernard Blistène, directeur du développement culturel du Centre Pompidou. Elle ouvre la perspective d’une manifestation annuelle d’envergure autour des spécificités du dessin actuel en Aix et Pays d’Aix. Commissaire de l’exposition Christiane Courbon.   Les artistes interrogent les modes d’inscription du dessin dans le dessin actuel, ses supports et ses outils.  Si l’expression traditionnelle conserve le plus souvent toute sa place, le trait s’affranchit également de l’espace de la feuille pour frayer avec d’autres dimensions. Qu’il devienne objet, sculpture, installation, projection, image mouvante ou cheminement, in fine, le dessin est l’objet. Compte tenu de la spécificité du lieu, avec son parc aux espèces centenaires, ses quelques 200 m² d’espace d’exposition répartis en pièces distribuées par un long couloir au dernier étage d’une bâtisse édifiée fin 17ème – début 18ème siècle, un dialogue s’instaure nécessairement entre les œuvres et le lieu, entre l’objet créé et l’objet existant. La publication a été confiée à Chloé Curci qui l’a pensée comme un objet hybride aux éléments détachables, ni catalogue, ni livre d’artistes, mais plutôt une création libre autour des œuvres et du lieu, y associant quelquefois des essais sortis de l’atelier. Chaque artiste a choisi celles des œuvres qu’il souhaitait y voir figurer. Des textes, parfois très courts, y sont, à une exception près, associés. Par leur nature, leur densité, leur contenu ou leur absence, rédigés par les artistes eux-mêmes ou participations d’auteurs, ils sont une formulation qui, sans entrer dans l’anecdote ni dans la biographie, parle d’eux, de l’essence de leur travail. Livre-objet, cette réalisation se découvre comme une « nouvelle proposition plus proche de l’œuvre que du répertoire », une balade essentiellement en images avec les photographies que Chloé Curci a prises en explorant les abords immédiats du château et son parc.  Une balade, dans laquelle on entre par l’une des allées du jardin de buis, un peu comme on choisirait de se perdre dans un labyrinthe…  – Christiane Courbon Claire Dantzer « C’est le milieu du jour, le ciel est sombre. Devant moi, il y a la mer. Aujourd’hui elle est plate, lourde, de la densité du fer. Et sans plus de force on dirait. Entre le ciel et l’eau il y a un large trait noir. Il couvre la totalité de l’horizon. Il est de la régularité d’une rature, géante, de l’importance d’une différence infranchissable. Il pourrait faire peur. Dans la glace de ma chambre, droite, voilée, par la lumière sombre, il y a mon image, je regarde vers le dehors. Les voiliers sont encore là, immobiles, sur la mer de fer, encore dans le mouvement de la course où nous a surpris ce matin l’évanouissement du vent. Je me regarde, je me vois mal dans la vitre froide de la glace. La lumière est si sombre, on dirait le soir. (…) Voici qu’entre l’horizon et la plage, un changement commence à se produire dans la profondeur de la mer. Il est lent. Il arrive avec retard. Contre mon corps, ce froid, de la vitre, cette glace morte. Je ne vois plus rien de moi. Je ne vois plus rien. Ha, si… Je recommence à voir. Devant moi est née une couleur. Elle est très intense, verte. Elle occupe une partie de la mer. Elle retient d’elle beaucoup dans cette couleur là. Une mer, mais plus petite vous voyez, une mer dans le tout de la mer. La lumière venait donc de là, du fond de la mer, d’un trop plein de couleur dans sa profondeur. Et le contrejour venait de son jaillissement de toutes parts aux sortir des eaux. La mer devient transparente, d’une luisance, d’une brillance d’organe nocturne. On dirait non d’émeraude vous voyez, non de phosphore mais de chair. (…) »  – Marguerite Duras, extrait de Aurelia Steiner (Vancouver) 1979 Nicolas Daubanes « Je réalise des dessins avec de la limaille de fer. Je considère cet état de matière comme le symbole des traces d’une évasion : en limant les barreaux de la cellule, nous partirons les mains recouvertes de limaille. Ces dessins représenteront des plans ou des vues intérieures de prisons utopiques, imaginaires. Les différentes étapes de réalisation de ce projet doivent être soigneusement suivies : le motif choisi doit être, dans un premier temps, découpé dans une feuille « magnétique » puis disposé sur une plaque de métal ; ce n’est qu’après le dépôt d’une feuille de papier blanc sur le dessin en « découpe » dans la feuille « magnétique », que l’on peut répartir la limaille. Cette « poudre » vient alors se plaquer uniquement sur les surfaces de papier en relation avec les parties magnétisées. Une fois mis à la verticale, le spectateur ne perçoit qu’une surface de papier sur laquelle un nuage de poussière ferreuse vient dessiner un tracé, une forme. Ce nuage peut être plus ou moins épais, plus ou moins épars suivant le mode d’application. L’aimantation pose le dessin en suspension, lorsque la feuille est séparée des aimants ce dernier disparaît, la poudre de métal tombe en ne laissant aucune trace sur le papier. De ce fait le dessin est par nature éphémère, comme si le motif représenté ne devait être visible qu’un temps donné. Même sans l’idée du décrochage du papier et donc de la chute « provoquée » du métal, le dessin a une durée de vie limitée à quelques dizaines d’années. L’aimantation perdant 2 à 3% par an de sa force d’attraction, le motif se perdra au fur et à mesure … Plus le motif disparaît plus la représentation carcérale est fragilisée, plus l’évasion est envisageable. Lorsque un détenu planifie son évasion, son projet doit rester uniquement dans son esprit pour demeurer totalement clandestin, aucune inscription ou gravure ne lui sont permises. Mon mode de représentation doit être en

Exposition – « Il y avait une fois » 2014

Dans le cadre de l’exposition : « Il y avait une fois » 12 mars-19 avril 2014 Artistes invités:  Katia Bourdarel, Anne-Charlotte Depincé, Keiko Hagiwara, Laurent Perbos, Nicolas Pincemin, Lionel Sabatté, Gaëtan Trovato. Commissaire Christiane Courbon     Il y avait une fois… Le titre de l’exposition recourt à la formule spontanément évocatrice qui introduit le conte. Il l’inscrit ainsi dans un genre codé, à partir duquel le spectateur pourra mesurer l’écart, en s’imprégant des oeuvres des artistes. A l’origine de ce thème, le lieu. Construit aux XVII-XVIIIèmes siècles près des ruines de l’ancien village fortifié Castrum Novum Rubrum, le château neuf a remplacé le château vieux, attribuant au village son nom. Dès l’arrivée, à Châteauneuf le Rouge, il faut d’abord franchir un portail de fer forgé. Après une calade* en pente douce et un deuxième portail, pénétrer dans une cour carrée cernée de hauts murs tapissés de grimpants. De cet enclos d’ocres aux rouges flamboyants à l’automne et chauffés à blanc l’été, on s’engouffre dans la fraîcheur des bâtiments pour gravir les étages. Le musée est hébergé au sommet du château depuis 1986. La restauration de la toiture et la rénovation intérieure fin 2012 ont marqué la volonté de préserver ce Patrimoine. Depuis les fenêtres, la lumière réinvente, selon les heures, les paysages, d’une somptueuse diversité. Au Nord, la barre de calcaire continue du Cengle qui domine les marnes rouges donnant accès à la vallée de l’Arc happe le regard, tandis qu’à l’est, les silhouettes déstructurées de hauts platanes scandent le rythme des saisons, dominant un ancien jardin de buis à la Française. Les tomettes aux teintes passées maculées des traces du temps ondulent sous les pas, la verticalité des murs défie toute propension à l’usage d’un niveau pour l’accrochage. Le décor chargé d’Histoire constituait le cadre idéal à ce projet. Dans un entre-deux fait de passé et de présent, la place à l’imaginaire  se décuple. Dans le récit, c’est l’invention d’une nouvelle forme narrative qui prévaut. Les artistes se sont glissés dans ce parcours, entrant par une porte, ressortant par une autre, pour venir tourner une à une les pages d’une histoire créée tout au long des salles. Dans une narration sans fil au cœur de laquelle les repères se perdent, où l’intemporalité propre à l’univers du conte s’installe, la scénographie favorise tantôt les harmonies subtiles, tantôt les télescopages : d’images dessinées, peintes ou vidéographiques et d’installations, tant picturales que sculpturales. Suivons-les d’espaces clos en lieux ouverts, de lumières tempérées ou de semi-pénombre en luminosités crues, voire grinçantes, qui bousculent les codes. Les univers multiples, poétiques, ambigus, troublants, esthétiques, mais aussi les pratiques se croisent et se décroisent. En explorant les divers aspects d’une mythologie contemporaine, qui est la leur ou qui est la nôtre, qui mélange histoire individuelle et Histoire commune, ils revisitent l’universalité et la richesse symbolique du conte et donnent à voir le fonctionnement du monde qu’ils rendent intelligible. – Christiane Courbon, Mars 2014. Des escalators aux chariots ailés…    Innombrables sont les récits du monde. C’est d’abord une variété prodigieuse de genres, eux-mêmes distribués entre des substances différentes, comme si toute matière était bonne à l’homme pour lui confier ses récits : le récit peut être supporté par le langage articulé, oral ou écrit, par l’image, fixe ou mobile, par le geste et par le mélange ordonné de toutes ces substances; il est présent dans le mythe, la légende, la fable, le conte, la nouvelle, l’épopée, l’histoire, la tragédie, le drame, la comédie, la pantomime, le tableau peint (que l’on pense à Sainte Ursule de Carpaccio) le vitrail, le cinéma, les comics, le fait divers, la conversation. Roland Barthes[1].   Qu’elles soient issues du mythe ou du conte, l’homme n’a de cesse de revenir à ces histoires ancestrales qui semblent fonder la vision de notre rapport au monde, la vision de notre rapport aux autres et le fondement même de notre humanité. La pratique du conte est le moment privilégié pour le rêve, l’imaginaire, mais c’est également un moment communautaire[2]. Ces histoires ont le pouvoir de nous emmener vers un ailleurs à la fois naturel et surnaturel, possible et impossible, logique et illogique. Des mondes fantastiques ou merveilleux où l’on rencontre les dieux, les fées, les ogres, les sorcières et les elfes. Des êtres imaginaires, malveillants, bienveillants, dotés de pouvoirs fabuleux, des cabanes, des grottes, des rivières, des fontaines et des forêts où la magie est maîtresse en ces lieux. Mais le conte nous emmène aussi vers un envers de soi, de l’autre côté de son propre miroir, là où se révèle l’indicible de nous-mêmes… Les contes de fées, les contes populaires, les contes merveilleux, les contes facétieux, les contes initiatiques, tous exposent un héros à des problèmes existentiels, eschatologiques[3], où la dualité d’un pseudo-bien et d’un pseudo-mal fonde les principes d’un monde manichéen dans lequel le peuple enfant, comme le nomme Alain, trouve des repères explicites. Mais pour l’adulte, le conte est révélateur de son ambivalence morale, de son attirance vers le sombre. Il alimente son goût de la frayeur, il est le condensé d’une histoire psychanalytique de l’homme qui navigue en un état tout sauf manichéen. Force et profondeur du conte : sa simplicité éveille en chacun de nous un grand nombre d’oreilles simultanées et son extrême réserve ne l’empêche en rien d’envoyer des sondes explorer les aspects les plus troubles et les moins disciples de la vie psychanalytique.[4] Pierre Péju.    Si encore aujourd’hui les artistes se réfèrent à ces récits, s’ils les détournent, les réactualisent, les malmènent ou les illustrent, qu’ils s’y réfèrent pour leurs aspects enchanteurs (Alice Anderson) ou subversifs (Wim Delvoye) c’est que les contes constituent le vivier universel dans lequel les plasticiens puisent les mystères de la théogonie[5], de l’anthropogonie[6] et de la cosmologie[7]. S’ils y reviennent pour leur charge morale, psychanalytique ou pour leurs fonctions sociétales, c’est que depuis les mythes fondateurs, nous n’avons pas inventé de nouveaux mondes. Cette époque dite désenchantée, c’est-à-dire où l’on procède à l’abandon des croyances en la magie et en les religions, induit ce recours au conte et

Exposition – καιρός – desseins

Dans le cadre de l’exposition Kaïros – Desseins du 31 septembre au 25 novembre 2017 Artistes invités: Haythem Zakaria l Amandine Simonnet l Takeshi Sumi l Laurent de Richemond l Didier Petit l Pascal Navarro l Elena Modorati l Jean-Marc Forax  l Nicolas Charbonnier l Nidhal Chamekh l Anne-Flore Cabanis Commissaires de l’exposition Christiane Courbon et Arafat Sadallah.     « La nuit, dans le Sud, quand je me lève, je sais qu’il ne s’agit ni du proche, ni du lointain, ni d’un événement m’appartenant, ni d’une vérité capable de parler, ce n’est pas une scène, ni le commencement de quelque chose. Une image, mais vaine, un instant, mais stérile, quelqu’un pour qui je ne suis rien et qui ne m’est rien – sans lien sans début, sans but -, un point, et hors de ce point, rien dans le monde, qui ne me soit étranger. Une figure ? mais privée de nom, sans biographie, que refuse la mémoire, qui ne désire pas être racontée, qui ne veut pas survivre ; présente, mais elle n’est pas là ; absente, et cependant nullement ailleurs, ici ; vraie ? tout à fait en dehors du véritable. Si l’on dit : elle est liée à la nuit, je le nie : la nuit ne la connaît pas. Si l’on me demande : mais de quoi parlez-vous ? je réponds : alors, il n’y a personne pour me le demander ? »    – M. Blanchot, Au moment voulu.   Si l’on devrait traduire le terme grec Kaïros, qui jouait un rôle essentiel dans la pensée et l’épreuve du temps dans l’antiquité grecque, ce ne serait pas avec nos termes usuels se rapportant au temps quotidien. Ce ne serait pas non plus avec une terminologie plus scientifique ou technique. Nous devrons plutôt nous engager dans une correspondance créative et méditative qui nous situe dans une réelle épreuve du temps. C’est en chemin vers cette expérience que l’exposition «  Kaïros – desseins  » s’installe au MAC Arteum. En réunissant des artistes de différents horizons et cultures, il s’agit d’éprouver cette détermination essentielle du temps  : celle du moment opportun ou de l’événement appropriant. C’est-à-dire de l’instant où se détermine le sens de l’histoire – là où se prennent les décisions et où s’ordonne le monde. Que ce soit pour une histoire individuelle ou celle (politique) d’une communauté, l’histoire d’une fiction ou d’une réalité, le Kaïros découvre et donne sens à ce qui existe. L’exposition «  Kaïros – Desseins  » est un ensemble de chemins créatifs et poétiques qui explorent les multiples rapports entre ce qui donne le temps et ce qui donne l’œuvre. D’une ligne de dessin qui trace et ordonne un espace, à la projection de lumière qui fait voir les multiples sens d’une écriture. De la performance du corps qui se déplace en re-marquant le lieu, aux lignes marquées qui étirent l’instantané photographique pour appeler un passé immémorial… Essais et expérimentations qui traduisent des questions essentielles pour notre présent ; non pas celui de l’actualité dans laquelle nous sommes dispersés, mais celui de notre recueil – qui donne sens et vérité à notre histoire.   Chaque artiste éprouve et correspond au temps, à son temps, de manière absolument singulière et unique. Et cette singularité se traduit dans l’œuvre qu’il ou elle poursuit, à sa manière de s’exposer et de s’interpréter, à sa matérialité et à son esthétique. Et pourtant, l’ordonnancement des œuvres entre elles propose quant à lui une épreuve commune du temps  : le nôtre. Le Kaïros est forcément public, commun, politique, même dans sa dimension la plus intime ou personnelle. C’est ce qui justement met en dialogue des temporalités différentes et des histoires distantes. Chaque œuvre dans l’exposition interpelle d’une part ceux qui la regardent, et d’autre part les autres œuvres qui se tiennent avec elle dans le temps et l’espace. Ainsi l’événement, personnel ou collectif, n’est pas une unité simple, mais une constellation unifiée, et appelle des interprétations multiples.           – Arafat Sadallah

Retour en haut